Si votre vie, ou celle d'un de vos proches, est marquée par des épisodes cyclothymiques alternant dépression et euphorie ou normalité, peut-être avez-vous un trouble bipolaire, autrefois nommé trouble maniaco-dépressif. L’instabilité de l'humeur, dans ce cas, met en relation un déséquilibre constitutionnel physiologique et des facteurs déclenchants. Il est alors important de mieux connaître le traitement du trouble bipolaire pour savoir comment réagir.
1. Diagnostiquez le trouble bipolaire
Face à une alternance régulière et incontrôlée d’états psychologiques contrastés, de la dépression à l’euphorie, interrogez-vous sur la nature d'un tel dédoublement de personnalité.
De la difficulté du diagnostic
L’alternance entre une humeur positive et négative marque la succession de deux périodes, notables sur une durée minimale de deux semaines. Cependant, les phases ne sont pas toujours particulièrement marquées et délimitées, ce qui complique le diagnostic. Dans le cas de bipolarité non spécifiée, les périodes décrites se mélangent. La bipolarité peut aussi être nommée unipolarité lorsque le malade ne vit que des phases dépressives successives.
Le trouble de l’humeur bipolaire est sous-tendu par une dérégulation endocrinienne, traçable dans une analyse sanguine, mais qui se complique sous l'effet de perturbateurs endocriniens et de facteurs de stress dus à la vie moderne.
Bon à savoir : si un terrain physiologique favorise l’installation d’un tel dysfonctionnement, il est détectable précocement. Il est important de vérifier avant tout s'il y a présence d’une tumeur cérébrale qui conduirait aussi à des troubles de l'humeur.
Le trouble bipolaire partage des symptômes communs avec d’autres troubles avec lesquels il ne faut pas le confondre :
- la personnalité borderline, la schizophrénie, la psychose et les effets liés à la prise de certains médicaments ou substances chimiques et addictives ou à l’alcoolisme ;
- les troubles endocriniens liés à d’autres maladies.
Bon à savoir : sachez que, au comble de la difficulté, peuvent coexister plusieurs maladies.
Des signes spécifiques à la bipolarité sont alors à détacher :
- la faible nécessité de sommeil pendant la phase active ;
- une certaine régularité dans l’alternance des périodes hypo et hyperactives ;
- les épisodes dépressifs ne durent pas comme dans une vraie dépression ;
- une trace biologique est détectable ;
- le terrain génétique et familial est important ;
- les malades bipolaires ne répondent pas spécifiquement aux traitements antidépresseurs mais à d’autres molécules.
Bon à savoir : les médecins généralistes ont un rôle majeur dans le bilan initial, le traitement et le suivi des troubles bipolaires, en complémentarité avec les psychiatres et neuropsychiatres. Un certain nombre d'examens biologiques et techniques, à pratiquer systématiquement ou non, sont inclus dans la liste des examens exonérés de ticket modérateur.
La phase atonique ou déprimée
Cette phase présente les signes visibles d’une inhibition profonde, annonçant l’installation d’une dépression durable :
- souffrance intérieure authentique ;
- sentiment de honte ;
- baisse de la confiance en soi ;
- sentiment de dévalorisation ;
- sommeil difficile et insuffisant ;
- fatigue, perte du fonctionnement quotidien, abandon de soi ;
- tristesse ou indifférence ;
- absence de motivation et de désir ;
- agressivité envers autrui ou soi-même ;
- sensation de persécution ;
- désespoir et idées de suicide.
La phase active
Cette phase,plus courte (mais avec un minimum de deux semaines), est marquée par une recrudescence de l’activité dont les signes sont :
- une faible nécessité de sommeil sans contrecoup de fatigue ;
- une fragilité et une irritabilité toujours latentes ;
- une créativité débordante mais sortant du cadre de la réalité ;
- l’impression d’une grande efficacité due au regain d’énergie, bien que, au final, l’excès d’enthousiasme génère plutôt du désordre : tout est commencé et rien n’est fini.
Deux types de comportements durant la phase active permettent de classer les bipolaires en deux sous-catégories diagnostiquées suivant l’intensité de leur état d’excitation :
- un état d’activité pouvant passer pour normal, dit hypomaniaque (type II) ;
- un état d’hyperactivité excessive et désordonnée, dit maniaque (type I).
Le type I est le plus remarquable car la phase d'excitation est déterminée par un excès d'euphorie durant lequel fourmillent des idées et des projets sans suite. Pendant cette phase, certains traits de caractère se manifestent jusqu'à l’exagération :
- sentiment d’invincibilité, d’audace, d’orgueil ;
- besoins sexuels à satisfaire ;
- attitudes dépensières ;
- prises de décision intempestives ;
- conflits relationnels ou avec la justice ;
- épisodes possibles d’hallucinations et de délires, de dépersonnalisation avec perte de réalité, et qui compliquent le diagnostic.
L'excès d’excitabilité conduit parfois à des épisodes de nervosisme comportemental, à des tremblements et même à une catatonie transitoire (paralysie motrice conséquente et brève).
2. Mettez en place le traitement du trouble bipolaire
Cet état est handicapant socialement et compromet tout engagement professionnel et interpersonnel fiable, la vie devient impossible non seulement pour le malade mais aussi pour l'entourage.
Bon à savoir : ne laissez pas traîner l’exploration en cas de doute : la maladie est évolutive et s’aggrave dans le temps en l’absence de traitement. Les symptômes de l’aggravation psychique et comportementale se multiplient, se diversifient et diminuent les chances d'un diagnostic juste et salutaire.
Le traitement pharmacologique spécifique aux troubles bipolaires
Le traitement médicamenteux est exclusivement prescrit et suivi par un spécialiste :
- sels de lithium à prendre parfois à vie ;
- des antidépresseurs ;
- de la carbamazépine (connue pour être tératogène, elle ne doit pas être utilisée chez les femmes en âge de procréer, à moins que le bénéfice ne soit jugé supérieur aux risques, après un examen attentif des alternatives thérapeutiques disponibles) ;
- des anxiolytiques :
- des sédatifs et hypnotiques ;
- des antiépileptiques ;
- des molécules antipsychotiques de première et de deuxième génération.
Bon à savoir : selon une étude publiée dans le journal Psychotherapy and Psychosomatics, la prise régulière de lithium permettrait d’améliorer la plasticité du cerveau et la communication entre neurones en augmentant la densité des dendrites (prolongements des neurones) chez les personnes souffrant de troubles bipolaires. Cela leur permettrait d’atteindre une densité identique à celle des sujets sains.
Le traitement psychologique
Le malade bipolaire est une personne souffrante qui a eu le temps d'être terriblement affaiblie. Il s’agit d’une descente aux enfers. Certes, il est nécessaire de rééquilibrer par voie pharmacologique mais aussi de rectifier les paramètres de vie ayant contribué à accentuer le déséquilibre physiologique.
Pour diminuer les facteurs de stress, souvent d’ordre psycho-émotionnel, il faut d’abord les repérer :
- les facteurs d’agression liés au stress au travail et dans la famille ;
- les blessures émotionnelles et les frustrations ;
- l’alcool et les substances chimiques ;
- les comportements addictifs.
Une rééducation psychothérapeutique est ensuite nécessaire pour permettre au malade de vivre en phase avec le monde extérieur et d’apprendre à gérer lui-même les facteurs de stress inévitables. Les psychothérapies cognitivo-comportementales sont efficaces avec un psychothérapeute spécialisé dans le traitement du trouble bipolaire. Il convient d'éviter la psychanalyse basée sur des grilles d'interprétations de paroles et de gestuelles risquant d'empirer la détresse du malade.
Bon à savoir : la thérapie concerne aussi l'entourage qui vit exposé à l’épuisement psychologique.
3. Dirigez-vous vers l’évolution et la guérison du trouble bipolaire
Le trouble bipolaire est une maladie évolutive, chronique, récidivante et difficile à maîtriser. La perspective d’évolution et de guérison du trouble bipolaire ne s’améliore pas seule, ni avec l’âge ou la maturité.
Adapter le traitement
Il n’existe pas un traitement universel qui marche à coup sûr, la diversité des symptômes et la multiplicité des paramètres en jeu étant trop importantes.
De plus, face à la maladie, qui se développe dès l'adolescence, des réponses automatiques de pensées et de comportements ont été adoptées par le malade. Il lui est souvent très difficile de s’en défaire. La difficulté est donc de lutter aussi contre ces troubles de comportements installés, excessifs ou illogiques, tel que des phobies ou des TOC. Cependant, tout dépend de la capacité et de la propension de la personne à pouvoir changer et améliorer sa vie.
La prise en charge médicale réduit nettement le risque de suicide, sans avoir recours aux antidépresseurs.
Bon à savoir : les derniers travaux en date suggèrent que les bénéfices de la coenzyme Q10 pourraient s’étendre au spectre des maladies dites « mentales », y compris les troubles bipolaires (de 90 à 2 000 mg/jour sur une période prolongée en complément des traitements classiques).
Gérer les risques de récidive
Guérir de la maladie bipolaire est réalisable à condition de comprendre qu'elle est toujours latente et que sa régression dépend du contrôle personnel des facteurs d'aggravation. La HAS (Haute autorité de santé) rappelle que le traitement des troubles bipolaires ne doit dans tous les cas pas être inférieur à deux ans.
Le risque de récidive est important et concerne plus de la moitié des malades traités. L’amélioration de la qualité de vie se mesure à :
- la baisse de la durée et de la fréquence des épisodes de crise ;
- aux relations qui se normalisent ;
- à la capacité d’une meilleure maîtrise des facteurs de développement de la maladie.
C’est l’entourage qui doit ensuite adapter son mode de vie et ses attitudes en gardant à l’esprit que, malgré une amélioration, le trouble bipolaire représente un risque permanent de récidive qu'il faut apprendre à connaître et à contrôler avec une aide médicale obligatoire. Cependant, des gestes quotidiens sont nécessaires au bien-être du malade et le mettent sur la voie de la guérison :
- être installé dans un rythme de vie régulière ;
- être soumis à un sommeil régulé ;
- avoir accès à une alimentation saine ;
- être indépendant ou libéré d’une quelconque addiction dans laquelle il serait tombé pour échapper à son mal-être.
Bon à savoir : les troubles bipolaires sont inclus dans l'ALD 23 (affections psychiatriques de longue durée). Pour que la reconnaissance d’ALD ait lieu, l'ancienneté des troubles doit être supérieure à un an au moment de la demande et ils doivent avoir des conséquences fonctionnelles directes et majeures créant un handicap dans la vie quotidienne. Une fois accordée, elle donne droit à une exonération de ticket modérateur pour une durée de cinq ans, renouvelable.