
L’alexithymie, ou l’incapacité d'exprimer ses émotions par des mots, touche 15 à 20 % de la population et constitue parfois un véritable trouble psychiatrique. La personne alexithymique est incapable de prendre conscience de ses émotions et de les exprimer.
PagesConseils vous en dit davantage sur l'alexithymie, ses causes, ses symptômes et son traitement.
Qu’est-ce que l’alexithymie ?
L’alexithymie va d’une simple difficulté jusqu’à une impossibilité de verbaliser ses émotions, comme dans certaines maladies mentales. Le patient ressent physiquement l’émotion – il est par exemple possible de constater une accélération du rythme du cœur ou la présence de sueur à la surface de la peau – sans qu’il puisse en prendre conscience ou l’exprimer.
Les hommes sont particulièrement concernés. Et les causes de ce trouble psychiatrique ne sont pas toujours très claires. Il est souvent la conséquence de problèmes psychiatriques, mais aussi d’un choc psychologique, surtout dans l’enfance, d’une éducation un peu rigide ou d’une addiction.
L'alexithymie comporte 4 composantes :
- Une difficulté plus ou moins importante à reconnaître, identifier et exprimer verbalement ses propres émotions.
- Une vie imaginaire très limitée, notamment l'aptitude à la rêverie diurne.
- Une tendance à recourir à l'action pour éviter ou résoudre les conflits.
- Une description verbale pauvre, stéréotypée, répétitive et basée uniquement sur des faits ainsi qu’une incapacité à décrire les situations abstraites ou fantasmées.
L’individu évite en réalité la confrontation avec ses sentiments et reste très rationnel pour éviter tout type de conflit. Le contact avec les autres peut donc aussi s’avérer problématique.
Causes de l’alexithymie
L’alexithymie se caractérise par une incapacité à exprimer ses émotions (joie, tristesse, peur ou colère) par des mots, à cause d’une connexion inefficace entre certaines parties du cerveau responsables des émotions et d’autres où elles sont représentées de façon consciente.
Il en existe plusieurs causes :
- psychotraumatique : un choc émotionnel important, surtout dans l’enfance, peut déconnecter certaines structures du cerveau en lien avec les émotions ;
- culturelle : certaines cultures refusent l’expression des sentiments, en particulier chez l’homme ;
- psychosomatique : lorsqu’aucune maladie physique ne peut expliquer certains symptômes (douleurs, palpitations, ou même paralysie), il peut s’agir de l’expression physique de l’émotion. La personne exprime par des « maux » ce qu’elle ne peut exprimer par des « mots » ;
- dépression, mélancolie ou anxiété s’accompagnent parfois d’un ralentissement très important. La personne est comme figée ;
- addiction ou trouble du comportement alimentaire : presque 1 personne dépendante sur 2 présente un profil alexithymique plus ou moins prononcé. Il peut être lié à la substance elle-même ou à la personnalité ;
- autisme ou troubles du spectre autistiques (syndrome d'Asperger, entre autres) ;
- maladie de Parkinson, psychose, schizophrénie (liée aux symptômes négatifs, à l'anxiété et à la dépression – chez les patients schizophrènes, le risque de dépression sévère est 5 fois plus élevé que dans la population générale et les troubles dépressifs sont associés à une évolution moins favorable de leur maladie) peuvent également être accompagnées d’une alexithymie.
Alexithymie : différents symptômes
L’alexithymie s’exprime avec des signes d’intensité variable selon les individus et les troubles psychiatriques :
- une difficulté à reconnaître et nommer ses propres émotions et celles des autres ;
- une extériorisation des sensations corporelles (la personne pleure sans comprendre qu’il s’agit de tristesse par exemple) ;
- une vie imaginaire et fantasmatique pauvre ;
- une incapacité à décrire sa vie interne ;
- l’expression de plaintes et de souffrances corporelles ;
- un discours répétitif, factuel et pauvre en symboles avec une tendance à décrire les circonstances entourant les événements ;
- un isolement et une mise à distance de la relation avec les autres ;
- un manque d’humour ;
- des difficultés à raconter un souvenir, un récit ou ses rêves.
Comment traiter l’alexithymie ?
Un travail psychothérapeutique long et difficile
Ces personnes ont de très faibles capacités d’introspection et d’analyse d'elles-mêmes, ce qui rend souvent les psychothérapies difficiles. Pour amener l’alexithymique à sortir de son silence émotionnel, le thérapeute lui redonne un langage en associant des sentiments à ce que la personne ressent physiquement ou raconte.
C’est un travail long et difficile. L’alexithymique doit passer par l’expression de tous ses sentiments (négatifs et positifs) afin de réapprendre à penser les émotions et à écouter son corps. Le travail du psychologue sert à cadrer cette gestion nouvelle.
Le cas particulier des autistes Asperger
Pour les autistes Asperger, le problème est plus complexe encore car il existe un problème de réciprocité émotionnelle (déficit des codes sociaux, manque d'empathie, difficulté à identifier et/ou à décrypter les sentiments chez les autres, etc.). Ainsi, plus qu'une difficulté à exprimer des émotions, ces autistes ne les ressentent tout simplement pas.
Ces personnes vont ainsi être amenées à développer des stratégies de compensation via un apprentissage (et un copiage) intensif des comportements (faire semblant de sourire quand ils détectent de l'ironie, mimer la tristesse s'ils comprennent que la situation l'exige, etc.).
Ce camouflage compensatoire cache leur vécu interne, ce qui accentue leur mal-être et une prise en charge spécifique est donc nécessaire. Cette intervention est indispensable car il existe un risque important de développer des troubles psychiatriques difficiles à lever, particulièrement en fin d'adolescence où peuvent se manifester des troubles anxio-dépressifs majeurs (cela est encore plus vrai chez les filles).
Impact de l'alexithymie sur le quotidien
L'alexithymie peut influer sur divers aspects tels que les relations interpersonnelles, le travail, la santé mentale et le bien-être général d’un individu. La difficulté à reconnaître et à exprimer ses émotions engendre des défis spécifiques dans chaque domaine, exacerbant les tensions et les malaises.
Dans les relations interpersonnelles, l'alexithymie représente un obstacle majeur à la communication. Ce type de patient peut avoir du mal à exprimer son affection ou son soutien envers ses proches, ce qui peut être perçu comme de la froideur ou de la désinvolture. Cette difficulté à se connecter émotionnellement conduit, dans certains cas, à des conflits relationnels et à un sentiment de distance, tant pour le sujet affecté que pour ses partenaires.
Sur le lieu de travail, l'alexithymie peut entraver la dynamique d'équipe et la collaboration. L'expression limitée des émotions est un obstacle à la communication efficace, la résolution de problèmes et la gestion des conflits. Les personnes alexithymiques ont du mal à interpréter les signaux sociaux subtils, ce qui les rend moins réceptives aux besoins et aux sentiments de leurs collègues, compromettant ainsi leur intégration dans l'équipe.
Sur le plan de la santé mentale, l'alexithymie est souvent associée à un risque accru de troubles tels que la dépression ou l'anxiété. L’impossibilité de reconnaître et exprimer les émotions entraîne une accumulation de stress et vient aggraver certaines pathologies mentales existantes ou en voir apparaître de nouvelles. De plus, le manque de soutien émotionnel contribue généralement à une détérioration de la santé mentale.
En ce qui concerne le bien-être général, l'alexithymie peut entraîner une insatisfaction personnelle, un sentiment de vide émotionnel, une vie intérieure pauvre et un manque de connexion avec soi-même. Ce qui peut avoir des répercussions sur la santé physique, entraînant des troubles du sommeil, des maux de tête et des douleurs corporelles inexplicables.
Stratégies d'adaptation pour les personnes souffrant d’alexithymie
Il existe plusieurs stratégies d'adaptation pour mieux vivre avec ce trouble et améliorer sa qualité de vie :
- l'auto-observation est une première étape essentielle pour ce type de personnes. Il est important de prendre conscience de ses réactions émotionnelles et des signes physiques associés à ces émotions. Cela peut passer par la tenue d'un journal émotionnel, où sont notées les situations qui déclenchent des réactions et comment elles se manifestent. Cette pratique permet de développer une meilleure compréhension des émotions et de reconnaître les schémas récurrents.
- apprendre à communiquer de manière assertive est également fondamental. Le but étant de bénéficier de l'apprentissage de techniques de communication qui permettent d'exprimer des besoins, des sentiments et les limites de manière claire et respectueuse. Cela inclut l'identification des émotions ressenties dans une situation donnée et la recherche des mots appropriés pour les exprimer. Les compétences en communication assertive aident à renforcer les liens avec les proches et réduire les conflits.
- il est également possible de tirer profit de diverses techniques de régulation émotionnelle pour faire face aux moments de stress. La pratique de la respiration profonde, de la méditation, du yoga ou de la pleine conscience aide à se centrer et à calmer l’esprit. De plus, l'engagement dans des activités créatives telles que la peinture, l'écriture ou la musique peut servir de moyens d'expression alternatifs pour les émotions.
- travailler sur le développement de l'intelligence émotionnelle s’avère aussi bénéfique. Cela implique d'apprendre à reconnaître et à nommer les émotions, à comprendre leurs origines et leurs implications. Les thérapies cognitivo-comportementales sont particulièrement efficaces dans ce domaine, en aidant les individus à identifier et à modifier les pensées et les comportements qui alimentent leur alexithymie.
Il est important de noter que ces processus prennent du temps et nécessitent souvent un soutien continu. Toutefois, ils offrent un espoir tangible pour ceux qui font face à ce défi au quotidien.
En conclusion
- L'alexithymie constitue un obstacle majeur à la communication émotionnelle. Les sujets alexithymiques ont souvent du mal à exprimer leur affection ou leur soutien envers leurs proches, engendrant des conflits relationnels et un sentiment de distance.
- Sur le lieu de travail, l'alexithymie peut compromettre la dynamique d'équipe. Les patients alexithymiques ont tendance à mal interpréter les signaux sociaux subtils, ce qui peut impacter leur intégration dans l'équipe et la gestion des conflits.
- L'alexithymie peut augmenter les risques de dépression et d'anxiété. En accumulant du stress émotionnel, elle peut aussi avoir un impact sur les troubles mentaux existants (ou en déclencher de nouveaux).
- L'alexithymie entraîne une insatisfaction personnelle et un vide émotionnel. Cette dissociation émotionnelle peut avoir des répercussions sur la santé physique, provoquant de possibles troubles du sommeil et des maux de tête.